A l’occasion de l’événement « Bretagne Achats 2022 », organisé par le CNA, Pierre Dussauge nous a donné un cours magistral sur le Make Or Buy. Puisque mon bloc-note arrive en fin de vie, puisque je baigne dans une communauté d’acheteurs, puisqu’il faut rendre hommage à l’enseignant, et puisque « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… » voici un rappel sommaire et efficace des fondamentaux du Make or Buy, pour celles et ceux qui n’étaient pas là.
1) Quelques exemples de motifs notoirement invoqués (à tort) pour préférer le « make »
- Lorsque le coût du produit/service a une part importante dans le TCO. Delta Airlines avait par exemple choisi d’avoir ses propres raffineries de pétrole. La question de la compétitivité de Delta par rapport aux professionnels du secteur (Exxon, …) est « vite répondue » => dilution de la marge, etc…
- Lorsque votre position dominante vous permet de transférer de la marge/du CA en intégration verticale (pas évident)
- Lorsque vous souhaitez prendre le contrôle de vos distributeurs pour écarter vos concurrents. L’enseignant a pris l’exemple du rachat en 1977 par Pepsi de Taco bell, KFC et Pizza Hut, qui s’est soldé par un échec cuisant. Dans ce cas comme tant d’autres, la propriété ne signifie pas le contrôle. Même chose pour le rachat de DFS par LVMH qui s’est traduit par une meilleure progression des marques concurrentes de LVMH dans les ventes de DFS, que celles du Groupe LVMH lui-même.
- Lorsque vous souhaitez réduire les marges des intermédiaires
- Lorsque vous n’avez pas le choix : le produit/service dont vous avez besoin pour satisfaire vos clients n’existe pas. On rappelle que si ce produit n’existe pas dans un marché efficient, c’est souvent pour une bonne raison…
2) Les (vrais) bons critères pour choisir le « make »
- Spécificité / risque d’évolution des spécs : si vos produits/services ont des spécifications avancées, qui ne permettent pas de faire appel aux standards ou lorsque ces dernières ont tendance à évoluer trop rapidement pour amortir les coûts fixes. Il n’y a alors pas de marché, car les investissements initiaux sont jugés trop importants par vos fnrs, c’est à vous d’assumer ce risque. Par ailleurs, dans le cas d’un produit trop spécifique, l’attribution d’un marché à un fournisseur qui prendrait seul le risque vous expose à être mono-source = risque de déviation sur les prix à terme +risque de tuer le marché.
- Lorsque le produit/service est trop complexe pour faire appel à un tiers
- Lorsque la production / réalisation expose à des obligations légales. Pierre Dussauge a pris l’exemple d’une marque de luxe (sacs à main) qui a internalisé la gestion de fermes de crocodile pour anéantir ses risques fournisseurs au sujet de la maltraitance animale.
- Lorsque le business model de votre entreprise est tel que vous n’avez pas le temps de négocier (contractualisation) avec vos fournisseurs pour répondre aux attentes de vos clients internes (leadtime)
3) Inconvénients du « Make »
- Hausse du BFR, intensification capitalistique
- Baisse de la flexibilité
- réduction des économies d’échelle chez vos fournisseurs donc baisse de leur compétitivité prix/viabilité
- vous transférez des coûts variables vers des coûts fixes (votre DAF va adorer)
- vous êtes déconnecté du marché (ça n’est pas parce qu’on connait le coût de fabrication d’un produit qu’on en connait son coût de marché)
4) Inconvénients du « Buy »
- Vous risquez de devenir dépendant de votre fournisseur si ce dernier devient dominant sur cette niche
- Les inputs sur le produit/service sont de moins en moins adaptés à vos besoins
- Votre savoir-faire ancestral / avantage comparatif risque de disparaître
- Vous n’avez plus l’exclusivité du produit/service, celui-ci pouvant être adressé à vos concurrents
Pour conclure, l’enseignant a rappelé que l’arbitrage sur un Make/Buy était forcément soumis aux variables/situations de chacun, donc pas modélisable a priori.