On ne présente plus Marc Sauvage dans la sphère des achats, mais pour ceux qui auraient besoin d’une séance de rattrapage, voici un lien vers son profil Linkedin.

J’ai connu Marc lorsqu’il était DA de Bouygues Télécom en 2011 (donc dans le privé). Depuis, il a évolué à la DA puis à la DG d’organismes publics et est resté pour le moins actif au CNA.

J’ai voulu connaître son point de vue sur un sujet qui me tient à cœur : la mobilité des acheteurs… du public au privé. Il a accepté de répondre à 4 questions.

– Quelles compétences achats sont transférables du secteur privé vers le public et inversement ?

La professionnalisation des achats publics est en marche et en progression constante, voire exponentielle ces dernières années.

Le secteur hospitalier en est un des meilleurs exemples, la création des achats de l’Etat aussi ; et les Collectivités territoriales bien entendu.

A titre d’exemple, les Régions : en 2013, la Région Centre Val de Loire a été la première à créer une direction des achats ; depuis quasiment toutes les Régions ont le mot achats dans l’organigramme des comités de direction.

Ces développements sont notamment le fruit de contraintes financières (baisse des dotations de l’Etat), d’une prise de conscience politique et d’une vision des dirigeants d’entités publiques.

A l’initiative des Elus et des DG, des compétences ont commencé à être transférées pour apporter de nouvelles compétences, des regards neufs et une capacité à impulser puis conduire le changement.

Ainsi des compétences initialement privées ont progressivement essaimé dans le public : sourcing, challenge du besoin, stratégies d’achats, négociation, leviers de performance, pilotage de la relation fournisseurs, … sont venues compléter une approche jusque là très juridique de l’achat public.

Inversement, le public a des atouts dont le privé peut aussi s’inspirer : définition des besoins en amont, rigueur nécessaire de l’analyse des offres, retours obligatoires à faire aux fournisseurs non retenus.

Les compétences managériales et de conduites transversales de grands projets sont aussi transposables !

– Quelles passerelles vous semblent exister de l’un à l’autre, au-delà des compétences achats (commodités, mindset, attitude, etc. …)  

Aux acheteurs privés et publics de créer les passerelles !

Chaque mouvement aura valeur de faisabilité et d’exemple, puis aura un effet d’entraînement.

Il y a beaucoup de segments d’achats qui sont communs aux secteurs publics et privés : construction, numérique, services, prestations intellectuelles, logistique, moyens généraux, … ; ce qui rend les évolutions de l’un vers l’autre tout à fait possible.

Par ailleurs, les enjeux sont de plus en plus forts et très souvent partagés.

La crise sanitaire d’une part et plus récemment la guerre en Ukraine ont renforcé le positionnement stratégique des achats : responsabilité sociétale, maîtrise de l’impact carbone de nos achats, souveraineté, sécurité des approvisionnements, performance économique, couverture pour faire face à la volatilité des coûts de matières premières, … sont des préoccupations désormais communes.

Les compétences mais aussi en effet les postures deviennent progressivement similaires : leadership, capacité à sortir du cadre et à revisiter les schémas existants, curiosité, déontologie, …

– Comment avez-vous vécu le passage du privé au public ?

Les premières semaines, c’est plus qu’une évolution, c’est une révolution !

Il faut tout apprendre, pas seulement la commande publique, mais aussi le droit public d’une façon générale (finances, RH, …). Il faut une réelle capacité d’adaptation, entre souplesse pour s’intégrer et fermeté pour s’imposer.

Je retiens par ailleurs plusieurs points extrêmement positifs.

Tout d’abord, un engagement et un sens du service public très élevé des équipes (achats et opérationnelles) et des élus. Les collaborateurs du public sont aussi très investis au quotidien, pour les entreprises et les citoyens.

Et un portage politique très fort, une réelle prise de conscience que les achats sont un levier de performance et de développement économique.

Par ailleurs, il y a une vraie finalité et un vrai sens à ce que les équipes achats réalisent au quotidien. Quelques exemples : servir du bio et du local aux lycéens, contribuer à la transformation numérique des territoires, réduire l’empreinte environnementale des achats, participer à l’équilibre des finances publiques, … sont autant de challenges que les acheteurs publics ont plaisir à relever au quotidien !

Enfin, un accueil très chaleureux des équipes qui comprennent la mixité des profils et les besoins en croisements des cultures.

Un bémol sur ce dernier point : comme je suis arrivé, dans mes deux prises de postes dans le public, pour réorganiser la fonction commande publique et créer la fonction achats, certaines résistances au changement ont nécessairement existées ; mais les collaborateurs du public sont (aussi) légitimiste et quand une organisation est expliquée et en place, elle est respectée !

– Comment envisagez-vous l’idée de basculer dans le privé à nouveau ?

Je l’envisage tout à fait. Pour moi, il faut créer et maintenir cette fluidité, abolir les barrières dans les deux sens, qui sont de toutes façons de plus en plus ténues !